lundi 20 juin 2011

La New People's Army


Les NPA, comme on les surnomme ici, sont la branche armée du parti communiste philippin. D'inspiration maoïste et créé en 1969, ce mouvement a connu son apogée dans les années 1980 avec plus de 25 000 combattants à son actif. Revendiquant entre autre l'assassinat de Colonel américain James N. Rowe, le mouvement a récemment été qualifié d'organisation terroriste par les Etats-Unis et l'Union Européenne. Les NPA agissent majoritairement en zone rural et leurs principales cibles sont les militaires, les hommes politiques ou hommes d'affaires. Bien que réduits à environ 5 000 membres aujourd'hui, leurs faits d'armes font toujours l'actualité. Mais si je vous en parle, c'est justement parce que certains des programmes dont j'ai la charge sont situés dans des zones rurales encore sensibles.

Et pourtant la première fois qu'une responsable philippine me parle des NPA, c'est pour me rassurer. Mais son discours me fait plutôt l'effet inverse. En effet, tranquillement installé sur le toit du jeepney qui nous emmène dans son village, Ate Leoni, la responsable, me demande de passer à l'intérieur lors du deuxième arrêt.


Elle me fait alors part d'une embuscade qui a eu lieu deux jours avant mon arrivée. C'était après la fête du village. Le préfet de police de la région, accompagné de sa femme, était venu assister aux célébrations. Puis ils sont repartis, en bonne garde, à la fin de la journée. C'est sur la route du retour qu'a eu lieu l'attentat. Les NPA, avait alors placé une mine sur la piste qu'ils ont fait sauter au passage du convoi. S'en est alors suivi un réel massacre pendant lequel une quarantaine d'hommes armés achevèrent les occupants du fourgon de police. Bilan, six morts et un disparu...
Et c'est cette même piste que nous nous apprêtons à emprunter. Mais Leoni m'assure que les NPA ne s'attaquent pas aux touristes et que de toute façon, ils sont sûrement déjà loin, tant la région est maintenant quadrillée par les militaires. En passant au niveau de la zone de l’attentat, j’aperçois quelques restes. Un pneu calciné et une perfusion gisent encore sur le sol, tandis que le fourgon, éventré sur le côté, repose sur le bas-côté de la piste.

De manière général il faut éviter de parler des NPA, ou du moins d'en dire du mal, car on n'est jamais sur que l'interlocuteur en face n'en fait pas parti. Et finalement, sans le savoir, j'ai forcément été en contact avec des sympathisants. En effet, trois mois après cet incident, je retourne une nouvelle fois dans le village d'Ate Leoni. Et nouvelle coïncidence, un autre épisode de la lutte entre les NPA et l'Armée vient d'avoir lieu. Cette fois-ci, c'est le SWAT philippin qui a retrouvé le sourire après avoir abattu le commandant NPA de la région. Il doit être enterré cette semaine dans son village natal. Et c'est justement là-bas que je suis sensé aller visiter certains filleuls avec Ate Leoni !
Mais le lendemain les précipitations sont trop importantes et la route étant boueuse, Leoni a peur que nous ne puissions pas effectuer le voyage dans la journée. Cela nous obligerait à dormir là-bas et étant données les circonstances, elle préfère éviter. Mais le soir son mari, qui a absolument tenu à assister à la veillée funéraire, me tend son téléphone portable. J'y aperçois alors la tête d'un homme d'une soixantaine d'année, le fameux commandor comme ils l'appellent ici, allongé dans son cercueil...




Mais les NPA ne sont pas les seuls à effrayer la population. Dans la région de Kalinga, au nord de Luzon, ce sont les guerres tribales qui peinent à disparaître, héritage culturel dont les habitants se seraient bien passés.
En effet, il y a encore une centaine d'années, les villages voisins s’entre-tuaient à grands coups de machettes pour un simple désir de vengeance ou tout simplement sanguinaire. Mais aujourd’hui les gens se déplacent, se mélangent et ceci devrait déjà être du passé. Pourtant, à en croire certains, la tribu d'appartenance d'une personne se lit souvent sur son visage. Et la vengeance est parfois la seule consolation possible devant la perte d'un proche. Qu'elle soit volontaire ou accidentelle, si un membre d'une tribu décède par la faute d'une personne d'une autre tribu, alors il doit impérativement être vengé. Mais peu importe la responsabilité de la prochaine victime, du moment qu'elle appartienne à la tribu visée ! Et c'est pourquoi, lorsqu'un conflit refait surface, certains des étudiants Enfants du Mékong de la région se voient contraints de se cacher pendant plusieurs jours jusqu'à ce qu'un nouveau décès intervienne...

C'est toujours dans la même région qu'une autre histoire me vient aux oreilles. Je suis en voiture en compagnie d'un philippin tandis que nous traversons un petit village. Celui-ci m'explique alors que nous traversons une zone surnommée la "terre royale". Après ma demande d'explications, il me raconte qu'un jour, l’évêque et son chauffeur traversent en voiture le village. Passant alors un peu trop près d'une petite fille, celle-ci, effrayée, pousse un grand cri. Les deux hommes s’arrêtent alors pour vérifier que la fillette ne soit pas blessée. C'est alors que le père de celle-ci surgit, machette à la main, avec la ferme intention de tailler en pièce le chauffeur ! Il ne cherche pas à savoir ce qu'il a bien pu se passer ni à qui il a affaire et s'élance en direction des deux hommes. Dans un dernier geste, l'évêque a tout juste le temps d’arrêter le coup de machette qui s'abat sur son chauffeur. La lame lui tranche alors plusieurs phalanges avant qu'il parvienne à s’échapper avec son conducteur.
Mon compagnon de route rigole alors en m'expliquant qu'ici, la moindre erreur de conduite peut te coûter la vie !

Tout ceci me rappelle que même si les rapports que j’entretiens avec des Philippins sont pacifiques et joyeux, je ne dois pas oublier que le fait de contenir ses émotions en permanence, de toujours cacher ses sentiments, peut amener dans certaines circonstances à des explosions émotionnelles d’une violence incroyable.

C'est promis, le prochain article sera moins sombre !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Interesting!
But,mind you don't talk too much and mind -if possible !- your own business

friendly yours

Pierre

Mâa. a dit…

Je vais peut être arrêter ici ma lecture pour toujours venir ... ! ^^

Anonyme a dit…

...scary... but thanks for your courage and strength to continue for the sake of the mission.

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